Petite histoire de l'Ostéopathie
1. Les origines des thérapies manuelles
Soigner avec ses mains remonte probablement aux origines de l’humanité.
Les premières références aux pratiques manuelles se retrouvent en Egypte sur une fresque de la tombe du pharaon Ramsès II (environ 1298 à 1235 av. J.-C.) où se trouve représentée une manœuvre de mobilisation du coude. Un autre document datant de plus de 4000 ans, le Papyrus de Smith (copie d'un document de l'ancien empire Nubien Égyptien) qui regroupe plusieurs cas de chirurgie osseuse et de pathologie externe ont inspiré plus tard Hippocrate. De même au Tibet, en Inde ou encore en Chine, où on connaît depuis plus de 6000 ans les effets des manipulations vertébrales.
Sous la Grèce antique, Hippocrate (vers 460-377 avant notre ère) tenait en haute estime « l’art de la thérapeutique manuelle » : il décrit dans son Traité des articulations des techniques articulaires, notamment comment manipuler une articulation après luxation, ou réduire une fracture.
Plus tard, à Rome, Claude Galien (129-216), un des médecins romains fondateurs de la médecine actuelle, utilise la thérapie manuelle qu’il couple à ses connaissances anatomiques et physiopathologiques.
Le moyen âge marque la régression, et même la disparition de ces pratiques.
Au Quatrième Concile du Latran en 1215, la décision fut prise d'interdire aux médecins la pratique de la chirurgie, leur réservant exclusivement la pratique de la médecine. La chirurgie est donc réservée aux laïcs, formés sur le tas, puisque les études sont réservées aux ecclésiastiques. Ce sont les barbiers qui pratiqueront la chirurgie et les techniques manuelles.
Dès le seizième siècle, c’est Ambroise Paré, père de la chirurgie moderne, qui se réapproprie des méthodes de traitements manuels.
Mais peu à peu la chirurgie et la médecine manuelle se séparent ; cette dernière, dévalorisée, restera entre les mains des rebouteux qui se transmettront empiriquement leur savoir manuel, sans connaissance anatomique approfondie.
2. Les débuts de l’ostéopathie
2.1. Son fondateur
Andrew Taylor Still est né le 6 aout 1828 au Kansas. Son père Abraham Still, pionnier participant à la colonisation des Etats Unis, est à la fois pasteur méthodiste, médecin et fermier. La vie de colon est rude, la famille Still est pauvre.
Le jeune Andrew Taylor Still reçoit une éducation simple et probablement sévère, influencée par de fortes valeurs traditionnelles religieuses et sociales. Il grandit au contact de la nature, et découvre l’anatomie en disséquant de petits animaux morts. Il apprend la médecine auprès de son père. C’est la période de la médecine « héroïque », c’est à dire basée sur des traitements très agressifs (saignées, purgatifs, vomitifs, et médicaments à base de cocaïne, d’opium, de mercure…) souvent inefficaces et aux effets secondaires nocifs. Cette médecine est très souvent impuissante face aux maladies, qui sont dues principalement au manque d’hygiène.
Dans les années 1850, tout comme son père qui s’occupe des indiens Shawnee, il est fermier et médecin. Il continue son apprentissage de l’anatomie humaine en disséquant des cadavres d’indiens. Parallèlement, il étudie la mécanique et améliore des machines agricoles pour faciliter les travaux de la ferme.
En 1848 il intègre le Kansas City School of Physicians and Surgeon, mais ne va pas jusqu’au diplôme. Il est « dégouté par les enseignements » et ne va pas jusqu’au diplôme. « Si ce n’est la possession d’un diplôme formel à accrocher au mur du cabinet, un diplôme d’école médicale ne signifiait évidemment pas grand-chose dans les années 1860. Les exigences requises pour intégrer ces écoles essentiellement commerciales, dirigées par des médecins, étaient minimes. Il suffisait habituellement de pouvoir payer les frais de scolarité. L’étudiant devait assister à un cycle de conférences étalées sur deux ans, de novembre à février, la seconde année présentant les mêmes matériaux que la première, sans aucune pratique clinique. De plus, beaucoup d’étudiants étant illettrés, l’examen final se réduisait à une simple interrogation orale. »
Durant la guerre de Sécession (1861-1865), farouchement anti-esclavagiste, il s’engage auprès des fédéraux et commande alors un régiment. Il occupe surtout le poste de médecin chirurgien, ce qui lui permet d’acquérir une grande expérience de l’anatomie et de la physiologie chez l’Homme vivant. Mais aussi de constater la pauvreté des thérapeutiques : sa trousse de chirurgien ne contient que « du calomel, de la quinine, du whisky, de l’opium, des chiffons et un scalpel ». Il assiste impuissant aux décès de soldats, pas toujours pour faits de guerre : plus de la moitié meurent de maladies.
En 1865 il perd trois de ses enfants de méningite cérébro-spinale. Traumatisé et impuissant devant la maladie, il commence à remettre en cause la médecine orthodoxe. Il s’était aperçu que dans les régions où les médecins manquaient, la mortalité infantile était moins élevée.
En 1874, il guérit un enfant de la dysenterie, puis 17 autres qui lui sont confiés, par des manœuvres manuelles proches du reboutement. Il s’intéresse à d’autres domaines tels le mesmérisme, la phrénologie et le spiritualisme.
Le 22 juin 1874 à 10 heures, Still a une vision : l’homme a été créé avec tous les fluides et onguents lui permettant de s’auto-guérir. Il rompt avec la médecine orthodoxe et crée l’ostéopathie : « la loi de l'Esprit de la Matière et du Mouvement ».
Il va dès lors rencontrer des difficultés, face à l’ostracisme des médecins et du clergé, qui voient en lui une manifestation du diable puisqu’il peut guérir manuellement des maladies réputées incurables.
Il rencontre aussi des difficultés financières, ne voulant pas se faire payer pour son activité expérimentale.
En 1876 il est atteint de fièvre typhoïde, fatigué et abandonné de ses confrères et d’une partie de sa famille.
En 1878 il s’installe à Kirksville dans le Missouri, et jusqu’en 1885, il pratique une ostéopathie itinérante abandonnant peu à peu les médicaments. C’est alors pour lui une période de succès, sa renommée dépassant les frontières des états limitrophes. Devant le nombre croissant de demandes et ne pouvant toutes les honorer, il forme ses enfants à l’ostéopathie. Il en fait un art qui est donc transmissible et non inné.
En 1892, il fonde l’American School of Osteopathy, à Kirksville dans le Missouri. L’ostéopathie est ainsi reconnue officiellement dans cet état.
De 1892 à 1900, l’ostéopathie connaît une grande expansion.
A partir de 1898, Still se retire peu à peu de l’enseignement, et écrit plusieurs œuvres : Autobiography (1897), Philosophy of Osteopathy (1899), Philosophy and mechanical Principles of Osteopathy (1902), Osteopathy, research and practice (1910).
En 1914 il est atteint d’un ictus cérébral. Il est très respecté et est surnommé « The Old Doctor ».
Il meurt en le 12 décembre 1917 d’une deuxième attaque à l’âge de 89 ans.
2.2. Propagation de l’ostéopathie
La première école d’Ostéopathie est l’American School of Osteopathy (ASO), fondée en 1892 par Andrew Taylor Still à Kirksville dans le Missouri.
Rapidement, entre 1896 et 1899, treize collèges d’Ostéopathie sont créés dans le pays.
John Martin Littlejohn (1865-1947)
En 1897, John Martin Littlejohn, écossais d’une trentaine d’année à la santé fragile, vient expérimenter les pratiques de Still. Il a étudié la théologie, le droit, la médecine, la philosophie, l’économie politique. L’ostéopathie lui permet de recouvrer la santé. Still le recrute pour donner des cours de physiologie. En même temps il étudie l’ostéopathie dans l’école de Still.
Littljohn défend ardemment la science médicale et souhaite l’inclure dans son enseignement, s’opposant à Still qui voit d’un mauvais œil tout ce qui vient de la médecine. Devant tant de divergences, il quitte l’ASO en 1900 pour fonder le Littlejohn College of Osteopathy à Chicago, avec ses deux frères. Il rentre en 1913 en Angleterre avec le projet de fonder une école d’ostéopathie, qui verra le jour en 1917 avec la British School of Osteopathy (BSO).
Littlejohn a poursuivi l’œuvre de Still en y apportant des éléments scientifiques, insistant sur la relation de l’organisme vivant avec son milieu. Il a aussi beaucoup étudié les relations entre les différents niveaux vertébraux et les organes du corps, et l’adaptation de l’homme à la verticalité.
William Garner Sutherland (1873-1954)
En 1898, William Sutherland, journaliste, commence à se former à l’ostéopathie à l’ASO. Durant ses études il a l’intuition que les os du crânes sont mobiles entre eux, et animés par un mécanisme respiratoire. Il étudie les écrits d’Emmanuel Swedenborg du milieu du XVIIIe siècle qui décrit un concept de mobilité crânienne. Il fait des expérimentations sur l’os sec mais aussi sur son propre crâne, le conduisant élaborer un modèle mécanique : le Mécanisme Respiratoire Primaire (MRP). Cette approche considère le crâne comme plusieurs vertèbres modifiées dans le but de protéger le système nerveux central. Il rencontre de nombreuses oppositions de ses collègues ostéopathes ; ce n’est qu’en 1929 qu’il pourra présenter ses premières conclusions à Kirksville.
En 1939 il publie The Cranial Bowl pour faire connaître les bases du concept crânien, rencontrant beaucoup de critiques surtout à cause du manque de preuves scientifiques.
Il s’intéresse ensuite à la pédiatrie et la spécificité du crâne de l’enfant notamment à la naissance. En 1946 est fondée l’Association d’Ostéopathie Crânienne : le concept crânien fait alors partie des techniques ostéopathiques reconnues. Dès lors, l’enseignement et la recherche autour du concept crânien ne cesseront plus.
En 1951, Harold Magoun, élève de Sutherland, publie Osteopathy in the cranial field.
En 1953 Sutherland crée The Sutherland Cranial Teaching Foundation (S.C.T.F.), une fondation indépendante destinée à continuer les recherches dans ce domaine.
William Sutherland meurt le 23 septembre 1954.
Thure Brandt (1819-1895), physiothérapeute Suédois, donne en 1890 les premières bases de thérapie manuelle viscérale, sans savoir que son œuvre sera reprise et poursuivie par les Ostéopathes et notamment Jean Pierre Barral. Sa méthode diagnostique et thérapeutique est destinée à traiter les organes de l’abdomen, en particulier ceux du petit bassin.
2.3. L’arrivée de l’ostéopathie en France
Dès 1912 dans un ouvrage de Albert Louis Caillet (1829-1928) « Traitement mental et culture spirituelle, la santé et l'harmonie dans la vie humaine », l’auteur, qui est ingénieur civil, cite A. T. Still et l’ostéopathie. Il l’assimile à du magnétisme, et y explique le traitement général ostéopathique (TGO). Dans ce livre il fait le tour des différentes médecines et thérapies, surtout psychiques, permettant de conserver la santé.
Les docteurs Moutin et Mann sont les premiers à publier en France un manuel sur l’ostéopathie : Manuel d’Ostéopathie Pratique, en 1913. Cet ouvrage n’est que la traduction à peine arrangée d’un ouvrage paru aux USA en 1901 de Wilfred L. Riggs (décédé en 1903).
Cet écrit passe inaperçu en France, nous somme à la veille de la première guerre mondiale.
Robert Lavezzari (1886-1977)
Le Docteur Robert Lavezzari est formé par une ostéopathe américaine, le docteur Florence Gair, elle-même élève de Still. Ayant étudié toutes les techniques en les améliorant et les perfectionnant, le Docteur Lavezzari crée le premier enseignement de l’Ostéopathie en France dès 1932, au Dispensaire Hahnemann à Paris. En 1949 il publie Une nouvelle méthode clinique et thérapeutique : l’ostéopathie. En 1952 il fonde la Société Française d’Ostéopathie, regroupant des médecins français et européens.
Paul Geny (1912-1996)
Paul Geny est kinésithérapeute, formé en ostéopathie à la Bristish School of Osteopathy de Londres, et il a travaillé avec Robert Lavezzari. Il fonde à Paris en 1957, avec l’ostéopathe anglais Thomas Dummer, L’Ecole Française D’Ostéopathie qui s’adresse à des kinésithérapeutes. A cause de problèmes juridiques cette école doit s’expatrier en 1965 en Angleterre et deviendra alors L’European Scool of Osteopathy (ESO).